Et au milieu coule une frontière
L'avenir dira dans une dizaine d'années si le pont Jean-Jacques Sempé (c'est comme ça que je l'ai baptisé dans mon for intérieur) bref si le pont Baba, pardon Chaban-Delmas, cette épure sublime qui élève le regard, ce bijou d'architecture qui avec Dostoïevski, nous fait croire que la "beauté sauvera le monde", unira la capitale à sa province, la rive gauche veux-je dire à sa rive droite. Longtemps Bordeaux eut pour sa rive droite la condescendance que Paris affecte pour tout ce qui dépasse le boulevard périphérique. Passer le pont de pierre c'était rendre visite aux manants, se fourvoyer chez les ploucs, se tromper de côté, tel ce supporter écossais, merveilleux écossais, croisé sur le pont de pierre en direction de la place Stalingrad et me demandant si le stade (encore Chaban-Delmas) était encore loin ? Passer le pont de pierre pour tout bordelais bon teint, c'était pénétrer dans le Thiers monde. Il faudra que celles et ceusses qui eurent vingt ans sous le règne du duc d'Aquitaine soufflent les vingt printemps de leurs arrières petits-fils pour qu'à l'instar de ces de plus en plus nombreux de Parisiens s'installant dans le quartier de la Bastide et ne faisant aucune hautaine différence entre les deux rives, droite et gauche ne se toisent plus mais s'harmonisent, qu'au milieu Dame Garonne, ne fasse plus office de frontière et qu'un sauvageon de la Benauge, c'est pas gagné, épouse une fleur de la Villa Primrose.